Temps libre / Free Time
June 2 – 13, 2021
Produit Rien
6909 rue Marconi
Montréal, QC, H2S 3H5
photos: Paul Litherland
J’ai décidé assez tôt qu’il fallait tout simplifier. Quand j’ai entrepris ce projet, la crise de santé publique de la COVID-19 en était à ses inquiétants, sombres et tragiques débuts. Dès le départ, j’ai éprouvé le besoin de rendre mon travail beaucoup plus intime en termes d’échelle et de conception. Papier, crayons et gouache étaient ce dont je disposais.Au fur et à mesure de mes expérimentations avec la couleur et les proportions, un processus à la fois esthétique, méditatif et thérapeutique est apparu : je me concentre sur une tâche monastique et je calme mon cerveau frénétique, je marque le temps libéré de ses entraves habituelles et le comble.Je crée d’abord un tableau quadrillé, m’inspirant de cet ancien procédé d’organisation et de conceptualisation. Je couvre ensuite l’entièreté de la surface de triangles colorés selon un motif alterné vide/plein. Les compositions qui en résultent ondulent et scintillent dans une exubérance sans fin. Elles brillent, sautillent et dansent devant nos yeux. Ce sont à la fois des calendriers, des journaux intimes et des graphiques du temps et de l’activité. Le titre de chaque œuvre correspond à la date où en fut terminée l’exécution.Ce modus operandi établi, je suis passé du papier à la toile. Les peintures affichent ici les mêmes effets optiques mais créent également des effets de surface, tandis que l’addition de couches de couleur et le format élargi offrent plus de place à l’erreur. Alors que l’œuvre sur papier semble éphémère et légère, les toiles s’imposent par leur matérialité et leur format, comme s’il s’agissait d’énoncés plus complexes, collés au réel.Mais en vérité, à bien des égards je veux simplement faire du beau travail. Je suis au fait des inégalités dans le monde et j’en suis préoccupé; je sais que la société est imparfaite et qu’il faut la rendre meilleure. L’indifférence face à la progression de la politique d’extrême droite m’inquiète au plus haut point. J’ai horreur de toutes les formes de racisme, de sexisme et d’intolérance. Je ne veux pas que ma fille vieillisse dans un monde dont le climat a été définitivement détruit par des siècles d’industrie. Mais je suis peintre et un peu stupide. Je ne veux pas de ces choses dans mes peintures. Pas au premier degré, du moins.J’aimerais plutôt que mon travail suscite ce frisson d’excitation que l’on ressent en écoutant The Supremes, mais atténuée par une certaine mélancolie, telle une note planante, ténue et tendue qui, néanmoins, s’élève vers le ciel et nous fait espérer le meilleur.
Traduit par Francine Lalonde
I decided quite early on that I had to simplify everything. When I began making this work, the Covid-19 public health crisis was in its first few dramatic, grim, weird weeks. Initially I was motivated by the feeling that I needed to make my work much more intimate in scale and conception. Paper, pencils and gouache were what I had to hand.Gradually, as I experimented with colour and measurement, a process emerged. This process is tied as much to aesthetic desires as it is to meditation and therapy. I concentrate on a monk-like task, I calm my racing mind, I mark and fill time liberated from its normal fetters.I begin with setting out the grid, that ancient method of organizing and conceptualizing. Then the triangles are colored in an alternating “on/off” all-over pattern. Each piece is titled with its date of completion. The resulting compositions shimmer and ripple with a restless exuberance. They dazzle, flipping and dancing in the eye. They are calendars, diaries, charts of time and activity.Having established a modus operandi, I moved from paper to canvas. As paintings, they display the same optical effects but also play with surface, layers of colour and an expanded range for error. Whereas the work on paper can read as physically light and fleeting, the canvases present a greater monumentality, as though they are more fully elaborated statements, more bound to reality. The other, much more simple truth, is that in many ways I just want to make beautiful work. I know and am concerned about inequalities in the world, that our society is not perfect and in need of improvement. I am terribly pre-occupied by the rise and seeming normalization of far-right politics. I abhor all forms of racism, sexism and intolerance. I don’t want to know that my daughter will grow old in a world whose climate has been permanently fucked by mere centuries of human industry. But I am a painter, and a little bit stupid. I don’t want those things in my paintings. Not obviously, at least.I would like my work to elicit the same kind of thrilling sensation one gets when listening to the Supremes, like excitement tempered by a certain melancholy; a hovering, tenuous, reaching note that nonetheless soars heavenward, inviting hope for better things.